jeudi 22 mars 2012

31. vu d'en l'eau : tentative d'assèchement de la flaque


notes       chaOtiQues     claS sées (D)

Toute la création est fiction et illusion.
Pessoa
Toute l'écriture est de la cochonnerie.
Artaud

Des notes à la fois chaotiques et classées ?
L’ordre et le désordre se définissent par opposition réciproque. Le chaos n’est pas le désordre. Il ignore l’ordre et le désordre et les contient. Le chaos est chaos. Chaos primordial, chaos en premier lieu -premier dernier et unique lieu. À la fois tout et rien, éternel, indéfinissable indicible et inconnaissable, venu de nulle part et sans fin. 
Ces notes classées pourraient avoir ceci de chaotique que, complémentaires plus que contradictoires dans leur confusion, elles ne mènent à rien dont elles sont issues.
(voir billets précédents)


notes, sous-notes, notules, sous-notules, etc.

Écrire ou rajouter des taches aux taches, des flaques aux flaques. Écrire et ce faisant ne rien créer*.  
[...]
L'écriture : une esthétique qui doit tout au hasard**. 
Billet n° 27

* Création, processus consistant à tout faire pour ne rien créer.

** Tout se fait comme ci comme ça, tout arrive au petit bonheur la chance°, tout vient par hasard

°L'ancêtre du dé était un astragale¹ de mouton. Sur une de ses faces, et pour la distinguer comme celle du coup de chance (l'équivalent du 6), on dessinait une fleur². Lorsqu'on remplacera l'astragale par un dé, le mot fleur désignera le dé. Plus tard, on appellera ainsi le jeu de dés lui-même. Jusqu'à ce que l'on donne au mot le sens de ce qui arrive à l'aventure, n'importe où, n'importe quand et de manière imprévisible, sans réflexion sans intention, sans choix ni règle³. 

 
  
¹ On appelait jadis astragale le jeu d'osselets.  Au chapitre 22 de Gargantua, Rabelais évoque les jeux auxquels se livrait son jeune héros. Parmi les 215 énumérés, quelques-uns imaginaires, le tric-trac et les osselets (parfois des astragales (ou talus) de mouton, parfois l'œuvre en bois d'artisans).
 



² De l'arabe zahr et az-zahr, par l'espagnol azar, d'abord fleur puis , puis jeu de dé ⒜, puis coup de chance, accident, aléa, on peut facilement en remonter le cours, l'étymologie du mot hasard ne coule pas de source mais remonte vers sa source, n'apparaît logique qu'après coup et à rebours ⒝. 

³ Il comprit que les livres ne sont pas le miroir du monde, mais une chose de plus ajoutée* au monde. (Borges) 
* Soit du hasard ajouté au hasard.

⒜ ancêtre du tric-trac, tractatus, traité -Tractatus logico-philosophicus-, traitement, traiter (voir plus bas : Genèse 1.).

⒝ Qui pourrait dire aujourd'hui ce que signifiera flaque dans mille ans et dans telle région du Poitou, de la Lune ou de Mars ?
 


 de la précarité de l'ordre...
L'intention vient toujours après coup.


...au retour du chaos
Le chaos est pur bhasard.  



Naturlich (1) : où le Moi et le Sujet* apparaissent pour ce qu'ils sont, non-naturels**

* Si elle n'est pas naturelle, leur existence n'en est pas moins réelle¹. Il n'y a pas si longtemps, le travail ne pouvait être que manuel, le productif palpable.
Le naturel n'existe pas. Ne fait sens qu'à travers une lecture culturelle et sociale. Le corps lui-même n'a rien de naturel, le biologique aussi est une invention, un point de vue particulier sur le mystère.

** Naturel : strate provisoirement ultime d'artifice en deçà de laquelle la connaissance ne peut à ce jour accéder.

¹ réel : le seul état naturel, ou, c'est selon, le seul état artificiel. SYN. chaos.


 citations
1.26
 Puis Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.
1.27
 Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme.
 La Bible, Genèse


Le parfait artisan [Dieu] décida finalement qu’à celui à qui il ne pouvait rien donner en propre serait
 commun tout ce qui avait été le propre de chaque créature. Il prit donc l’homme, cette œuvre à l’image indistincte, et l’ayant placé au milieu du monde, il lui parla ainsi : Je ne t’ai donné ni place déterminée, ni visage propre, ni don particulier, ô Adam, afin que ta place, ton visage et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les possèdes par toi-même.
Pic de la Mirandole


L’homme est […] chose informe, une matière, une laide pierre qui a besoin du statuaire [qu’il est lui-même]
Friedrich Wilhelm Nietzsche

Il n’est pas plus naturel ou pas moins conventionnel de crier dans la colère ou d’embrasser dans l’amour que d’appeler “table” une table. Les sentiments et les conduites passionnelles sont inventés comme les mots. Même ceux qui, comme la paternité, paraissent inscrits dans le corps humain, sont en réalité des institutions.
Il est impossible de superposer chez l’homme une première couche de comportements que l’on appellerait “naturels” et un monde culturel ou spirituel fabriqué. Tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme, comme on voudra dire, en ce sens qu’il n’est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quelque chose à l’être simplement biologique, et qui en même temps ne se dérobe à la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d’échappement et par un génie de l’équivoque qui pourraient servir à définir l’homme.
Maurice Merleau-Ponty


genèses en vrac

Genèse1.
Au commencement était la flaque et l'arbitraire*

*l'arbitraire en question relève de l'arbitrage plus que du libre-arbitre, compromis entre ce qui s'impose et la manière de le traiter** (voir aussi (a) -tric-trac), tient du hasard autant que de la nécessité.

** pour exemple, le mot flaque
Tout nom est onomatopée. Arbitraire autant que nécessaire en un lieu en un temps donnés. Inéluctable et hasardeux. Le premier qui par besoin nomme émet un son. Un son quelconque, pas n’importe quel son.
[...]
Un son que le lieu, le temps, l'expérience et la voix imposent.
[...]
Il n’était pas inscrit dans l’eau ou dans la boue, dira l'un,
la voix l'invente.

Il sommeillait dans le creux de la flache, assure l'autre, 
n'attendait que la voix pour sonner.
                                                                      [flak]  
billet n° 2
 
Genèse 2.
Au commencement* est le Boniment



Genèse 3. (Genèse et écriture)
...griffonner arrière-fond en une page papier bible, une petite page sur quelque 1600 pour gribouiller cadre et vie annexe (végétale et animale)... 




Genèse 4. (Genèse et rhétorique)
...l'homme enfin à son image* et à sa ressemblance**, métaphore déclinée sur 1600 pages moins une.

* L'image peut se définir comme "une certaine structuration de l'ensemble comparaison-métaphore-métonymie." (Dictionnaire de rhétorique Molinié). L'image représente la chose (Ceci n'est pas une pipe).
** Ressemblance en rhétorique se dit similitude. "La métaphore est une similitude dirigée." (id°).
Dans la similitude l'image est comparée à la chose, dans la métaphore elle est mise pour la chose elle-même.

Genèse 5. (Genèse et péché)
péché originel : de la conscience de soi à la connaissance de soi*.

* de la bouche au trou du cul, la créature est ce passage ouvert au souffle, aux courants d'air qui sont à la fois du monde les messagers, les rumeurs, et le monde lui-même, créature à chaque instant monde et conscience du monde ; vouée au vent : son paradis et son éternité. 
Cette existence qui la traverse, légèrement la suggère sans la séparer, la créature bientôt veut se l'approprier, passer de lieu réel de passage à lieu fictif de création, avec le vent faire des mots, leur donner un sens, s'extraire du monde et à distance juger, se connaître soi-même, devenir moi, plus tard sujet ; fini l'aérien, adieu légèreté : désormais lourd patatras.


rêve ou réalité ?

Ivresse et peur mêlées dans la chute.

 
Genèse 6. (Genèse et chute)
de la pomme de Paradis à la pomme de terre



Genèse 7. (Genèse et temps)
de l'éternité à la yoctoseconde (10 -²⁴ seconde)...
...de la yoctoseconde au temps de Planck (10 -⁴⁴ seconde)...
  
Genèse 8. (Genèse et histoire) 
chute et progression :
a) du paradis au corps
b) du corps au corps social 
c) du corps social au Moi 
d) du Moi au Sujet...
e) ...suite au prochain billet... 

Genèse 9. (boucler la boucle)
Au commencement était la flaque et l'arbitraire.
Et puis la chute : de la flaque¹ à la flaque².

¹ La flaque, ciel et terre mélangés, paradis et boue tout en un.

Flaques multiples, reflets d'un ciel chu morcelé. Sous le petit ciel de la flaque, la boue. Au-delà des cieux, la boue. Les deux ciels se répondent, mutuellement se reflètent, symétrie assurée : pendant de son pan dans la flaque, le ciel est la surface d'une flaque démesurée et nos illusions dessus rament, inoxydables galères, araignées d'eau égarées.

Des nouvelles de la métaphysique : si l'on a toujours craint que le ciel nous tombe sur la tête, c'est pour la masse considérable de boue, là-haut, derrière, au-dessus. Les pieds dans la flaque et la tête au ciel ? Le ciel est une flaque : dans le fond, le tréfonds, l'arrière-fond, sur la terre comme au ciel la boue et patauger gaîment dedans.

bulletin métaphysique

Le fond de l'air est boue. 
 
Genèse 10.
La flaque, lieu du Boniment.


Genèse 10. bis (boucler la boucle)
Au commencement le Boniment...

...viendrait le difficile Art de se taire

 

À suiVre...



dimanche 18 mars 2012

dimanche 11 mars 2012

29. vu d'en l'eau : tentative d'assèchement de la flaque


notes       chaOtiQues     claS sées (C)

Des notes à la fois chaotiques et classées ?
L’ordre et le désordre se définissent par opposition réciproque. Le chaos n’est pas le désordre. Il ignore l’ordre et le désordre et les contient. Le chaos est chaos. Chaos primordial, chaos en premier lieu -premier dernier et unique lieu. À la fois tout et rien, éternel, indéfinissable indicible et inconnaissable, venu de nulle part et sans fin. 
Ces notes classées pourraient avoir ceci de chaotique que, complémentaires plus que contradictoires dans leur confusion, elles ne mènent à rien dont elles sont issues.
(voir billets précédents)

iNtErMède : mini poétique de la flaque  


fragments A

fragments (1)
Ils sont comparables à ces petites flaques d'eau qui sont déposées sur le chemin après l'averse, et que la terre n'a pas bues. Chacune d'entre elles reflète tout le ciel, les nuages qui se sont déchirés et qui passent, le soleil qui luit de nouveau. Une grande mare, ou tout l'océan, n'auraient répété le ciel qu'une fois. 
Pascal Quignard

fragments (2)
Piet Mondrian considère ses toiles comme des fragments ayant une place précise dans le dispositif naturel. 


fragments (3) 
du fragment au Tout :
a) Mouvements brefs saccadés sur la flaque, ce bâtonnet aux quatre longues tiges segmentées appartiendra à la famille Gerridæ, infra-ordre Nepomorpha, sous-ordre Heteroptera, ordre Hemiptera, classe Insecta, embranchement Arthropoda, règne Animalia
b) La flaque sera ce biotope constituant avec sa biocénose un écosystème temporaire lui-même partie de tel biome -écorégion- déterminé.


façon façon (à la manière de)
nuit sans lune 
C'était la nuit opaque,
Dans la conque salie,
La flaque
Comme un vin dans sa lie

dans le même bain
Ô flaque ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et dans tes eaux chéries qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul -personne ni rien derrière-,

Où tu la vis s'asseoir !
 


le ver de vase et l'araignée d'eau
embourbé jusqu'au cou, l'un s'enorgueillissait
de sans cesse creuser, d'aller au fond des gloses ;
l'autre, empêtrée au bout de ces immenses choses
qui lui servaient de rames, l'autre se rengorgeait : 
elle arpentait les cieux,
lui ne valait pas mieux
à ses yeux qu'un déchet, à croupir dans la vase
sans jamais voir le ciel, sans le moindre horizon ;
lui gambergeait, jugeait : des échasses à quoi bon
si c'est pour tourniquer sans fin dans le même vase,
collée à la surface à faire des ronds dans l'eau ;
ainsi jour après jour et du matin au soir 
l'un l'autre médisaient, à qui plus déversoir,  
jusqu'au temps décisif où passa le crapaud 
à qui l'on proposa de jouer les arbitres ;
il les départagea tous deux en les gobant
d'un coup de langue un seul et simultanément,
un rot pour oraison
vaudrait cette leçon : 

en bas, dans le tréfonds, au reflet de surface,
il faut quoi qu'il en soit que les choses se passent ;
araignée, vers de vase ou crapaud vagabond,
patauger dans la flaque est notre condition,
il revient à chacun d'accepter l'ignorance
dans laquelle nous sommes et pour toujours plongés
avant que, c'est selon, plus ou moins tendre ou rance,
nous finissions croqués, avalés ou rongés.   












éternel retour (sens dessus dessous)
on a beau faire un jour et les défaire
la flaque et les amours reviennent
sur les ponts


 
sans manière sans façons

polyglotte 
La flaque baragouine le ciel, la boue couramment.


indivis
La flaque est divisible et il faudra nommer. 
À tant nommer, épuisera-t-on le monde ? 


fiat
Le langage goutte à goutte instille du mouvement, mot à mot du temps, dans un monde et une flaque étales, raplaplas.


journée de la flaque
L'occasion de refaire le chemin parcouru : qui se souvient du flac d'avant la flaque, désespérément mou bien qu'il fût sec et certes masculin, mais de flache.


disparition plutôt riquiqui
Donc flac signifiait mou avant qu'on transformât 
son final -qu pour c-
puis qu'on lui ajoutât 
qui l'on sait 
-qui n'a pas droit ici à citation-
faisant ainsi d'un flou inconstant, quasi confus, un mot circoncis 
plus ou moins con-
sistant, d'un qualificatif vagabond  
un substantif assis,
lui adjoignant pour finir un cosmos plus un fond.


ana
Fluide et plus encore,

Liquéfiée

Au creux du chemin,

Qui accroche en surface

Un coupon grisaille, parfois bleu de Gênes,

Entoilée le jour, la nuit étoilée


fou feu folle flamme 
Flaques fluides, fioles flasques, faites flancher faibles filles faciles. 


fragments B


fragments (4)  
Aphorismes, caractères, épigrammes, maximes... pour une classification des fragments vus comme pans d'un réel rêvé : s'acharner à faire des fragments un tout cohérent parce que précisément tout n'est que fragments et disharmonie.

fragments (5) 
Fragment a) : brouillon sans avenir, bout de rien, bribe de bribe. 
Fragment b) : bricolage mouvant, sans référence à l'unité originelle perdue, sans lien vers une totalité à construire.


fragments (6) 
épars, disjoints, éparpillés, séparés, dispersés, détachés...
bribes, miettes, éléments, parcelles, détails, morceaux...
chercher en vain un mot ne ramenant pas au Tout, pour un mot qui lui-même en viendrait, y tendrait. 


À suiVre...

lundi 5 mars 2012

28. vu d'en l'eau : tentative d'assèchement de la flaque



Toute la création est fiction et illusion.
Pessoa
Toute l'écriture est de la cochonnerie.
Artaud


notes       chaOtiQues     claS sées (E)

Des notes à la fois chaotiques et classées ?
L’ordre et le désordre se définissent par opposition réciproque. Le chaos n’est pas le désordre. Il ignore l’ordre et le désordre et les contient. Le chaos est chaos. Chaos primordial, chaos en premier lieu -premier dernier et unique lieu. À la fois tout et rien, éternel, indéfinissable indicible et inconnaissable, venu de nulle part et sans fin. 
Ces notes classées pourraient avoir ceci de chaotique que, complémentaires plus que contradictoires dans leur confusion, elles ne mènent à rien dont elles sont issues.
(voir billets précédents)


1. citations* et notules** (1) : 
de la flaque à l'autoportrait et vice versa
*   la citation est une convocation guindée, l'occasion de mettre les guillemets.
** alourdie d'un diminutif pour suggérer que dans sa brièveté même la notule en dit long. 

  
a) 
Le monde* est ma représentation. 
* et donc la flaque.
Arthur Schopenhauer, Le Monde comme Volonté et comme Représentation

b)
Un adage italien dit que quoi qu'il peigne*, le peintre se peint toujours soi-même.
* ou une flaque.  
Michel Guérin, à propos de son livre La peinture effarée -Rembrandt et l'autoportrait -Éditions de la Transparence 

c)
Le double -au sens de dédoublement de la personnalité- n’est d’ailleurs pas lié à la seule expression littéraire : il est aussi à son affaire dans la peinture, dont il constitue même un thème essentiel et décisif du point de vue psychologique, s’il est vrai, comme on a pu le soutenir, que tout peintre a pour mission fondamentale de réussir ou de manquer son “autoportrait” (cela à l’occasion de n’importe quel genre de peinture, et en l’absence même de toute tentative de se faire figurer lui-même sur la toile).
Clément Rosset, Le réel et son double (Minuit) 

d) 
Toute théorie est un peu un autoportrait.
André Leroi-Gourhan, Les Racines du monde -Livre de poche 

e)
...devenir sans se perdre autre chose* que soi-même.
* comme une flaque.
André Malraux, à propos de l'autoportrait 

f) 
Tout grand écrivain sait faire oublier son moi, quel que soit le genre littéraire qu’il aborde.
Clément Rosset, lettre à Michel Polac (Franchise postale, PUF)  

g) 
On m'a fait* tant d'autoportraits
Qui me ressemblaient trait pour trait
J'avoue que je ne sais plus vraiment
Qui je suis ni à quel moment
Johnny Halliday, Autoportrait -paroles de Maurice Lindet
* Je, cet autre incertain, informe et multiforme, dilué dans mille autoportraits faits par un autre, un autre autre, faits par un On vaseux avec les mots de Tous : Soi est une flaque.


À suiVre...