lundi 19 novembre 2012

53. vu dans l'eau : tentative d'assèchement de la flaque


eN  s      vOiE    d'AsS ècheMeNt
                                                                               (petite philosophie de la flaque)


Plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons Dieu.
Spinoza, L'Éthique (5, XXIV)


 
A. traucum

La flaque est une espèce particulière de trou. Un trou avec un fond. Un trou plus ou moins plein. Sans fond, sans rien dedans, la flaque serait vide, la flaque ne serait rien.
 
Un trou sans fond sans rien dedans, ça n'existe pas. Tous les trous ont un fond, tous sont plus ou moins pleins. Parfois, c'est vrai, le fond est lointain, certains trous remplis d'air ou d'un quelconque fluide peuvent sembler vides. Parfois contenu et fond sont imperceptibles, toujours bien présents pourtant. 
La flaque est ce trou le fond pas très clair ni le contenu.


Poser la flaque c'est lui attribuer une existence à part. Pour ce faire on aura extirpé du contexte, de son environnement on aura abstrait... extirpé qui ? abstrait quoi ? la flaque ? elle n'est pas encore là.  
 

Deux manières d'affirmer l'existence isolée, en deux temps quasi simultanés : 

1a. nier le reste autour dont ils s'avèrent inséparables, pour distinguer un pan de terre et un peu d'eau,  
1b. nommer ceux-ci lorsque instantanément revient le reste autour qui n'avait jamais disparu.




2a. retirer du tout le même pan de terre, le même peu d'eau,
2b. aussitôt les replacer, augmentés d'un pourtour et d'un nom, dans le trou ainsi créé qu'ils n'ont en vérité jamais quitté.  
La flaque existe -et avec elle la terre et l'eau. 
(sans flaque il n'y a ni terre ni eau.)

On l'a remise à sa place. On lui a fait son trou -sa façon singulière d'être un trou.  On lui a fait son trou on s'est fait le sien, le sien propre. 
La flaque a désormais lieu d'être -et soi avec elle
(sans flaque, pas de soi.) 
 

Tour est l'anagramme de trou. Mêmes matériaux même matière, deux mots indissociables. Au sens strict, le second n'est rien sans le premier : le trou se définit par ce qui l'entoure. 

Un trou est un trou. Difficile d'en dire davantage sauf à en faire le tour, sauf à se référer à la matière autour, cette surface extérieure d'un corps dont le Petit Robert dit que le trou est un abaissement ou enfoncement (naturel ou artificiel).

Outre son origine scribere -écrire- circonscrire prend trois sens selon l'usage :  
1. limiter, 2. décrire autour, 3. définir avec précision. 
Circonscrire un trou c'est tourner autour.
   
 
Arbitrairement sortie du sien, la flaque est une manière de trou définie, comme tous les trous, essentiellement par ce qui l'entoure, accessoirement par ses limites et son contenu
La flaque est un détail du chaos.
[Variante : La flaque est ce détail d'un chaos sans histoire. ]   

On peut sans doute en dire autant de toute chose. Toute chose n'est elle-même que par son entour, n'a d'existence que dans son rapport avec l'alentour
Le chaos ne fait pas dans le détail.

 
On peut en dire autant de toute chose. Un texte, par exemple, manière de trou dans le langage dont le fond et le contenu ne sont pas toujours clairs.

[Trou que l'on creuse avec pour objectif d'en émerger.

 
Écrire c'est tourner autour et puis le vertige.
Tourner autour de soi et pour finir noyé dans une flaque d'eau.



B. pistes


1. exister ou se dégager. s'exiler. s'exhiber.
s'embourber.

écrire. 
 
 

2. creuser le langage. tenter d'abolir le hasard.  

en rajouter.



 


3. jusqu'à elle rien. avant elle un sol lisse et plat. et puis cette empreinte. une trace en sort qui inscrit son chemin. tout part de la flaque. soi sorti du trou.







4.


certaines tics certaines grimaces certaines folies sont comme l'extraction du chaos d'une empreinte.



certaines tics certaines grimaces certaines folies sont comme l'abandon au chaos d'une empreinte.




À suiVre...

dimanche 4 novembre 2012

52. vu dans l'eau : tentative d'assèchement de la flaque


Toute la création est fiction et illusion.
Pessoa
Toute l'écriture est de la cochonnerie.
Artaud 
Ils sont comparables à ces petites flaques d'eau qui sont déposées sur le chemin après l'averse, et que la terre n'a pas bues. Chacune d'entre elles reflète tout le ciel, les nuages qui se sont déchirés et qui passent, le soleil qui luit de nouveau. Une grande mare, ou tout l'océan, n'auraient répété le ciel qu'une fois.
Pascal Quignard

la  f laque  et   leS  smOtS
 
A. notice de montage de la flaque
plusieurs manières de fabriquer une flaque : la restituer à l'identique, y tremper son stylo, l'attaquer par la bande, en faire une toute neuve, quoi encore... 


1.
pour une écriture concrète : moins mots que signes ils balisent au plus près des couleurs matières formes
à travers eux plus ou moins loin la flaque inaccessible







2.
rendue sur un mode réaliste  
mal digérée la flaque ne passe pas on la rend
du projet au vomi via les mots : une représentation romantico-naturaliste 

3.
intercesseurs discrets, interprètes entre soi et la flaque, les mots pour finir s'effacent, rien que la flaque et soi ou mieux la flaque seule, soi avec eux disparu reste elle tout dedans englouti


4.
des mots au plus près d'elle, au service de la flaque ou de sa construction, noyés en elle à mesure qu'ils la font, contrôlent l'ouvrage en renonçant à l'illusion de la maîtrise, s'engloutissent activement en elle qu'ils fabriquent, technique irréprochable œuvrent à leur propre anéantissement

5.
de la terre et de l'eau, l'assèchement pour essence... quant au reste, des mots : la flaque est une abstraction
humides éthérés boueux, en voie d'assèchement, des mots qui suggèrent sans nommer

6.
traduction : rapport d'équivalence imaginaire entre deux mots uniques ; tentative appliquée au langage de duplication du réel.

imperméable aux mots construits dans un autre langage, passés par une peau, un passé distincts, la flaque s'écrit soi-même, besoin de rien personne prend son parti.



7. 
des mots au plus près des mots et réduire la distance qui les sépare d'eux-mêmes  -plus question de représenter. 

prétexte pris de la flaque, organiser leur propre éphémère univers.

8. 
les mots en se représentant eux-mêmes collent-ils à leur réalité ou malgré eux coltinent un sens -abstraction, transcendance, anecdote, sujet- qui les en éloignent et barrent tout accès au réel -ce serait ça leur réalité.

B. notice simplifiée

ou bien on oublie. l'angle inédit, l'histoire, l'originalité, le sens, tout ça on l'oublie. on oublie l'idée même de faire ou de représenter une flaque, on la prend telle qu'elle est, préfabriquée, commune et le parti de l'immuable, comme si la flaque était la même de toute  éternité on la sort telle quelle de son trou, de sa page, mise en situation, confrontée au réel d'un langage.
 

pour une flaque de ce type on a besoin d'un modèle standard, c'est dans le dictionnaire qu'on le trouve, pas sous le sabot d'un cheval.
(sur le chemin défoncé pluvieux on a des creux, de l'eau, de la boue... la flaque est à sa place, bien au chaud dans le dictionnaire.)



flaque [flak] n.f. (Flasque, XIV° ; repris 1718 ; forme picarde de flache (XV°), substantif de l'a. fr. flache "creux, mou" ; lat. flaccidus). Petite nappe de liquide stagnant.  Petit Robert 1 (1992)

[dès lors qu'on parlera de flaque il s'agira de la flaque ci-dessus, toujours la même. donne-t-elle l'impression de changer c'est qu'elle bouge, l'artifice avec elle autour.
 
dans tel contexte le banal surprend, pas si banal qu'il en a l'air, ni plus ni moins brillant qu'un son neuf.
où l'on s'aperçoit, étant donnés 1. la chute d'eau 2. le gaz d'éclairage, que banal ou pas peu nous chaut, a. l'âne portant les reliques b. le fil à fusible d'un modèle courant dans La Mariée mise à nu par ses célibataires, même.
 

s'il s'agit toujours de faire un objet, la flaque n'est plus cet objet à construire, seulement l'un de ses éléments -une matière première-, l'objet proprement dit consistant en un genre de collage aléatoire de lieux communs, un manège qu'on arrête au hasard, on change les éléments de place et puis on recommence -à qui le pompon ?]




C. la flaque est dite (exercice 1 d'application)
souvenirs d'elle un creux
pas si grand sec autant que l'été
quelques mots creux
les croquenots ma mère les a lavés

le ciel pisse un message d'encre, on y baque son humeur, son ciel chacun le pêche et son miel, sa lie de mots à la traîne et bricole 
flaque s'évapore reste un gribouillis
passée, morte et desséchée, en parler, faire comme si, croire la voir on pourrait la toucher, il en va de toute chose de la flaque et de soi
reste un gribouillis gravé dans l'argile
 

D. la flaque est une question de mots (exercice 2 d'application)
tressés fin ils maillent la surface 
à cœur                      
dans la masse ils l'arment en reflet tendu 
il faut ce qu'il faut pour supporter le ciel

mots doux mouillés flirtent frissonnent 
frotti-frotta par dessous fusionnent
ah ils se la coulent douce les petits crochus
atomes d'amour humide à la colle

tout ça n'a qu'un temps
désamour embrouillamini
le bas le nord perdus place à l'interlope
pour ça c'est sûr ça cafouille en eaux troubles

le temps nécessaire un temps suffisant
déjà elle perd les eaux et que dalle
du sec craquelé
rien ni sauveur à en tirer pas moyen de sauver
sa mise en page stérile
jusqu'au moment où : l'été où est-il ?

 

faits de signes faits d'une encre à base d'eau  
il pleut des mots
en faire quoi et comment ?
la flaque est cette question -et une réponse 



À suiVre...